Only Lovers Left Alive
ONLY
LOVERS LEFT ALIVE
Jim
Jarmusch
Je
n'avais pas vu ce film au moment de sa sortie, car les vampire et moi
nous nous côtoyons peu. Il y a de temps en temps un film qui attire
mon attention comme what we do in the shadow,
mais c'est toujours des films atypiques. Là ce fut le cas, et j'ai
été séduite.
Adam est un musicien reclus quelque part à Detroit.
Il collectionne les instruments de musique, des vinyles, et tant
d'autres choses. De temps en temps des fans sonnent à la porte, mais
il ne donne jamais suite à ces coups de sonnette. Comme il reste cloîtré chez lui, il lui faut un
homme de confiance. Ian est un musicien, il est séduit par ce
personnage, il parcourt la ville et le pays pour dénicher le moindre
de ses caprices. Mais parfois Adam prend sa voiture de collection et
va à l’hôpital pour chercher du sang. Car Adam est un vampire.
Ce film est beau. Son image est soignée, elle a un
aspect baroque, un baroque chic et contemporain. Il est présent par
petites touches un peignoir suranné qui ne détonne pas dans le
paysage, des petits verres à liqueur dont le cristal est travaillé
et ancien; ou les gants que les vampires revêtent.
Ce film est un exercice d'équilibriste. Il y a une
multitude de petits détails présents dans notre champs de vision
qui forment un tout cohérent et très beau. Par exemple pour contre
balancer cet univers daté, les personnages ont des looks actuels. La
panoplie du rocker légèrement dandy pour Adam, avec pantalon en
cuir et chemise largement ouverte, le tout de couleur noir bien sure.
Ou celui d'Eve des habits toujours dans les blancs cassés et coiffée
de dreadlocks. ces personnages qui évoluent chez Adam dans un
univers imprégné des seventies avec ampli et instruments de
musique, collection de vinyles, télévision, téléphone et voiture
d'époque. Eve utilise elle son mac, son portable mais cependant elle
transporte des livres en édition originale dans une petite valise
rigide d'un autre temps. Ça forme un tableau succulent et non daté
que je ne suis pas sure d'avoir pu totalement embrasser, mais qui
laisse le spectateur à la place de zombies comme la décrirait Adam.
La lumière est très particulière et importante.
Elle est toujours tamisée et artificielle vu que tout se passe la
nuit. La photographie de ce film reste ancrée en moi. Elle est
somptueuse. Tout est réfléchi, même les objets et la manière dont
ils sont mis en scène. Tout comme les personnages, je resterai
fascinée parle visage d'Eve qui absorbe du sang et Tilda Newton qui
transforme son joli visage en petit museau de félin, en l'espace
d'une grimace, ou encore cette glace à l'eau qu'elle prépare et
partage avec son amoureux. Ce sont des images qui ce sont imprimées
dans ma rétine.
La photo est très importante, car ce film décline
les contrastes. Il sont incroyables à l'image la pâleur de la peau
de ces êtres diaphanes, le rouge du sang, le noir de la parure des
draps dans lesquels ils dorment nus, les velours sombres; tout est
tellement beau. Ce film donne l'impression d'avoir été édité sur
papier glacé.
Mais
tout cela ne concerne que la partie sédentaire du film. Il y a
également un pan urbain. Lorsque Adam amène Eve en balade dans les
rues de sa ville. Et c'est une autre réalité mais également une
autre utilisation de la photographie, plus terne et sans éclat. Le
paysage urbain et désertique de Detroit permet d'alterner les
moments de fascination et d’effrois. Jim Jarmusch arrive à faire
réapparaître le frisson d'angoisse qui nous parcourt le dos lorsque
nous traversons une ville déserte la nuit.
Ces sorties permettent de faire naître une
inquiétude et sort le spectateur du cocon dans lequel il se prélasse
lorsqu'il est dans l'antre d'Adam.
Pour parfaire cette alchimie, il faut une dose
d'humour. Ici il est très fin avec des accents d'humour britannique.
C'est toujours à propos de leur amour ou de l’absorption du sang.
Mais il y a aussi la tempête Ava, sœur d'Eve. Mia Washikowska est
le grain de folie du film des son arrivée. Elle est lumineuse, tous
ses dialogues sont drôles, son jeu ses moues, sa manière de parler
tout est jubilatoire. Elle est le point de rupture de l'histoire.un
point de rupture mignon et absolument rafraîchissant. L'humour est
utilisé avec délicatesse et brio.
Mais le scénario fourmille de richesses à
décrypter. Des le départ le fait que nos amants éternels se
nomment Adam et Eve n'est pas anodin. Si on cherche de la symbolique
dans les prénoms Ava la sœur de Eve a un prénom qui ressemble à
la jonction de ceux de nos deux protagonistes et l'on se demande dans
quelle mesure ils ne l'ont pas créé. Ce qui entrerait parfaitement
en résonance avec le discours de ce film.
Dans le Ying et le Yang de ce film, il faut parler du
choix de ces villes. Eve vit à Tanger dans cette ville au statut
très particulier qui foisonne culturellement. Ou tout même les
instruments de musique et la manière de la faire est différente.
Elle est riche et engendre son propre renouveau.
Quant à Détroit
cette ville se bat pour garder une existence depuis plus de cinquante
ans. C'est une ville à l'image d'Adam,, ou en tout cas qui lui
renvoi un aspect du monde dans lequel il veut croire. Les somptueux
théâtres sont transformés en parking, des blocs d'immeubles sans
âmes,de longues routes... la réalisation traite en aucun cas des
facettes de cette ville qui se reconstruit, ou de son milieu culturel
bouillonnant
cette ville illustre le discours et les tendances du
musicien à l'autodestruction. Lorsqu'il explique comment les humains
(les zombies) ont tendance à utiliser les connaissances et les
découvertes faites par les vampires.
Ils les utilisent pour tout
détruire. Ils polluent l'eau, l'air, la terre, les aliments ils
contaminent même leur sang. Et même l'art, derrière quoi se cache
des vampires ne peut plus rien pour eux. Et ce constat donne une
perspective différente a l'auto destruction de notre héros. Car ce
mur qui se profile oblige les zombies tout comme les vampires à
s'adapter, à revenir au fondamentaux et à se re créer, à
déterminer à nouveau leurs priorités.
Ce film est prodigieux, car son casting se compte
quasiment sur les doigts d'une main. Mais je ne m’arrêterai que
sur les vampires, je vous ai parlé d'Ava.
Eve l'amoureuse prend la
forme de Tilda Newton qui donne un petit coté animal à son
personnage et qui sait très bien joué l’ambiguïté de son état
d'esprit et en un quart de seconde elle devient mutine et quasi
espiègle. Adam est Tom Hiddelston. Il incarne parfaitement bien ce
héros et ses affres quasi shakespeariennes et pourtant en prise avec
son temps. Le duo avec Tilda Newton fonctionne bien. Il joue avec
simplicité et complémentarité. Ça fait plaisir de les suivre.
Christopher
est joué par John Hurt. Il incarne une période . C'est bien
de le voir cabotiner.
Ce film manie la glace et le feu avec une aisance
déconcertante. Il y a un constat sans compromis sur ce que l'on
traverse et de ou va l’être humain. Et en même temps une
ouverture et un humour qui édulcorent ce constat. De plus ce film
est tellement riche qu'il me tarde de le revoir et de découvrir
d'autres facettes.
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