A.C.A.B : All Cops are Bastards
ACAB, ou “All Cops are Bastards”, était un slogan initialement utilisé en Angleterre dans les années 1970 par les skinheads. Rapidement il s’est propagé dans les rues et les stades, propices aux guérillas urbaines. Cobra, Nero et Mazinga sont 3 « flics bâtards » qui, à force d’affronter le mépris quotidien, ont pris l’habitude d’être les cibles de cette violence, reflet d’une société chaotique dictée par la haine. Leur unique but est de rétablir l’ordre et de faire appliquer les lois, même s’il faut utiliser la force…
A.C.A.B : All Cops are Bastards – 18 Juillet 2012 – Réalisé par Stefano Sollima
Je dois bien vous l'avouer que la chose qui m'a attiré dans ce film, c'est son titre ! Pas que je le pense, mais juste qu'un film avec un tel titre devait avoir forcément des choses à dire. Et c'est évidemment le cas ….
Cobra, Nero et Mazinga sont des flics qui font partie des unités mobiles, l'équivalent de nos C.R.S français. Depuis qu'ils font ce métier, ils ont développés un fort esprit de corps et de camaraderie, ce qui leur permet de faire front lors d'interventions plus que délicates. Hélas ils vont parfois trop loin, les coups pleuvent, arbitrairement, sans justification, une façon automatique de répondre à la violence dont ils sont les cibles par la violence. Dans ces moments là, le pire ressort, les vendettas, le racisme, le nationalisme voir le fascisme. Une vie professionnelle compliquée qu'ils doivent mener en parallèle de la vie de tous les jours, ce qui n'est pas forcément simple et c'est la toute jeune recrue Adriano qui va s'en apercevoir à ses dépends, car ses inspirations ne seront pas celles de ces camarades …
Au final, entre malaise et stupéfaction, Stefano Sollima livre un film sans concession ! Pendant une heure trente on prend de plein fouet les travers d'une société italienne en totale déliquescence. Et grâce à un travail d'adaptation méticuleux du livre de Carlo Bonini (ACAB. All cops are bastard) qui se concentre sur les agissements d'une unité mobile de la police, le film lève le tabou des bavures policières dans les unités mobiles, mais aussi il se place en miroir de l'Italie contemporaine.
Que cela soit la crise, l'immigration, racisme et la montée du nationalisme, le regard porté sur l'Italie par Stefano Sollima est aussi sombre que celui porté par ses personnages. Toutefois, le réalisateur laisse transparaître une lueur d'espoir avec le personnage d'Adriano. Ce jeune policier au passé de délinquant (ce que ses amis laissent sous-entendre) rentre dans la police avec l'espoir de se créer un avenir, mais très vite il va découvrir qu'ils ne sont que des pions, de la chair à canons qui font tout le sale boulot. Il usera même de la force pour répondre aux agressions. Sauf qu'il ira contre l'esprit de corps de leurs brigades, estimant qu'ils vont trop loin et qu'il ne veut pas franchir une ligne pleine de secrets, de haines et de morts.
Une ligne qui se nomme Gènes, Diaz ou Lazio de Rome, tant de mots qui renvoient à des drames comme la mort de Carlo Guiliani à Gènes lors des manifestions, à la descente des policiers dans l'école Diaz ou logé des altermondialistes qui furent tabassés, à la mort de Gabriele Sandri sur une aire d'autoroute par un policier. Des faits que le réalisateur intègre à l'histoire pour donner de l'épaisseur et un passif à cette équipe, mais aussi pour montrer l'impunité dont ils jouissent ! Une face sombre que Sollima n'oublie jamais de souligner malgré l'empathie que l'on peut ressentir pour eux. Montrant s'il le fallait, toute la complexité d'un monde au bord de l'explosion.
Révélé par la réalisation de la série « Romanzo Criminale » il plonge avec une énergie débordante dans la réalisation de son premier long-métrage. Un premier essai plein de promesse ou pendant quatre vingt dix minutes il imprime un tempo soutenu, ou des l'introduction, les notes de « Seven Nation Army » donne le « la » d'un film à mi chemin entre le polar et le western urbain. Et que cela soit dans ou hors des stades, dans des appartements ou encore au cœur des villes, l'action ne lâche jamais nos protagonistes. Elle oscille entre agressions, vengeances et immenses batailles rangés. La mise en scènes de Sollima parfaitement adapté donne de l'ampleur et suffisamment de démesure à ses affrontements d'une rare violence. Et dans un imparable climax aussi frustrant que nécessaire, Cobra, Nero et Mazinga vont payer le prix de leurs actes passés,
Quant au casting, il est d'une solidité à toute épreuve. On trouve un acteur que j'affectionne particulièrement avec la présence de Pierfancesco Favino qui tient le rôle de Cobra. Un acteur au charisme indéniable qui compose ici un personnage aussi trouble que les méthodes qu'il pratique. Une performance de choix pour un acteur de talent. Il y a aussi Marco Giallini dans le rôle de Mazinga le chef d'unité, une personne plus âgée que la lassitude ne semble pouvoir arrêter, malgré la vie que son fils lui fait subir. Un dilemme moral que l'acteur porte avec force et conviction. Dans le rôle de Negro on trouve Filippo Nigro. Cet acteur de quarante-cinq ans à le rôle le plus dur, celui qui n'arrive pas à concilier vie de famille et travail. Pour cela l'acteur tout en nuance nous plonge dans l'enfer qu'il vit et dont il n'arrive pas a se sortir, tantôt ridicule, mais souvent effroyable, il ne survit que grâce à la violence de son travail. Pour finir on trouve Domenico Diele dans le rôle du jeune Adriano et il s'en sort admirablement bien ! Il laisse transparaître un passé tortueux tout en montrant sa volonté de changer et malgré ça il n'en fait jamais trop. Il joue juste et avec beaucoup de retenue.
0 commentaires