American Sniper
Tireur d'élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak dans un seul but : protéger ses camarades. Sa précision chirurgicale sauve d'innombrables vies humaines sur le champ de bataille et, tandis que les récits de ses exploits se multiplient, il décroche le surnom de "La Légende". Cependant, sa réputation se propage au-delà des lignes ennemies, si bien que sa tête est mise à prix et qu'il devient une cible privilégiée des insurgés. Malgré le danger, et l'angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives parmi les plus terribles de la guerre en Irak, s'imposant ainsi comme l'incarnation vivante de la devise des SEAL : "Pas de quartier !" Mais en rentrant au pays, Chris prend conscience qu'il ne parvient pas à retrouver une vie normale.
American Sniper – 18 Février 2015 – Réalisé par Clint Eastwood
Le cinéma a toujours été une terre prompte au débat. Volontairement ou pas, chaque film véhicule une image précise, une idée ou un message qui touche ceux qui y sont sensible et qui révulse ceux qui n'y adhèrent pas. Parfois cela se joue sur une histoire mal racontée, une réalisation ratée ou encore sur un terrain purement idéologique quand la qualité y est bel et bien présente. C'est le cas du dernier film de Clint Eastwood qui d'un point de vue formel se défend mais qui idéologiquement a suscité beaucoup de réactions, des plus raisonnées aux plus extrêmes.
Chris Kyle n'est au début qu'un Américain moyen, un bon gars comme tant d'autre dans l'Amérique profonde. Kyle est né à Odessa, dans le Texas, d'un père enseignant de l'École du dimanche et d'une diaconesse. Il est le fruit d'une éducation stricte, un brin stéréotypée ou la patrie, la religion et la famille sont prédominantes. C'est ainsi qu'il grandit avec comme model un père, aux leçons bien rodées dont la fameuse « There are three types of people in this world: sheep, wolves, and sheepdogs », ainsi qu'avec l'idée que son adresse à la chasse est un don. Un parcours qui va presque l'amené de façon inéluctable dans l'armée, notamment après qu'il est assisté impuissant au travers de sa télé, aux attentats des ambassades américaines à Nairobi et Dar-es-Salaam en 1998. Lui le cowboy devient un seal, un soldat d'élite qui va devenir sniper …
Dit ainsi, le film et l'homme dont on parle semblent bien gentils, mais comme Clint Eastwood j'ai occulté une partie de l'histoire, par pratique pour ne pas dire les mêmes choses que le synopsis, mais aussi pour donner un autre point de vue sur l'histoire qui nous est contée ! C'est le nerf de la guerre quand on parle de ce film. L'histoire de Kyle c'est tout d'abord l'histoire d'un « soldat », d'un sniper plus précisément qui est engagé sur le conflit en Irak en 2003. Il fait son travail comme tout soldat dans une zone de guerre avec l'efficacité qui lui est attribué ! Des faits que je ne lui reprocherai pas car pour moi il n'aura fait que ce qui lui a été ordonné. Donc tout, absolument tout nous est raconté du point de vue de Chris Kyle. Ce qui est a la fois sa qualité première mais aussi son plus grand défaut.
Tous les conflits que filme Eastwood, qu'ils soient extérieurs (Irak) ou intérieurs, n'est vu que par la lunette étroite de son fusil de précision. C'est la vision et le choix de Clint Eastwood, je respecte ça tout en le déplorant ! Car c'est la cause de tout mon malaise envers ce film.
D'un coté, la descente dans un autre monde d'un sniper qui ne regarde plus autour de lui, que je comprends mais que je n'approuve pas et de l'autre une vision déformée de la réalité qui n'est pas tolérable ! Si le film avait été monté pile après l’arrêt de Chris Kyle dans l'armée, les données auraient été différentes, le monde n'aurait pas eu de recul, mais là, après tout ce que l'on sait, une guerre basée sur du vent, sans preuve, sans fondement, après des films comme Zero Dark Thirty qui montre les méthodes illégales des services secrets américains, on ne peut, ne pas montrer ce qui se passe réellement derrière « la belle histoire » . Alors qu'au final, on a nous spectateur une vision forcément réduite du conflit, binaire et sans nuance, ou d'un coté il y a l'armée US (Les Bons), les Irakiens (Les méchants). De ce fait la vision que l'on a de l'ensemble est biaisée, a la fois « normale » (C'est un soldat dans une armée en guerre) et malsaine, on le voit perdre pied sans que quiconque ne s'en occupe ! Tout ça pour des changements qui sont à mon sens inutiles car avec ses gros sabots, Eastwood ne fait pas dans la dentelle, l'alternance vie civile/armée est bancale, cela n'apporte rien et des le début, alors qu'on est plongé dans un suspense assez bien orchestré, la séquence est coupée pour qu'on assiste a son enfance ! Un manque de simplicité flagrant qui transforme le portrait d'un soldat en un défendeur de la justice sans peur ni reproche.
Le film finit sur des images d'archives, sur l'enterrement de Chris Kyle célébré en grandes pompes, honoré, sacralisé par les habitants de son état. Une fin qui me laisse perplexe. D'un coté je comprend que l'on honore un soldat qui a fait son devoir de « soldat », indépendamment de sa nationalité, mais d'un autre coté je ne peux m’empêcher d'y voir l'accomplissement volontaire de la vie de Kyle, avec comme message implicite « voilà ce que vous aurez si vous donnez votre vie au USA ». Et dans le climat actuel au niveau mondial ce n'est pas judicieux, car d'un coté il y a l’œuvre, le talent d'Eastwood et de Cooper, que des gens comme moi ou d'autre auront aimé ou non mais qui ont le recul nécessaire dessus, tandis qu'une partie des gens comme aux USA ou en France prendront pour argent comptant ce qu'ils voient, les renforçant dans leurs préjugés !
Pour finir je reprendrais les dires d'un article qui reprends le témoignage d'un autre vétéran sniper de l'armée américaine, Garett Reppenhagen. Dans l'article, il est dit « Ce qu’il souhaite, c’est que les spectateurs puissent voir ce conflit dans un contexte plus large. Un contexte géopolitique et économique que le film n’évoquerait que superficiellement, voire pas du-tout » et c'est la toute la teneur de son témoignage ! On a qu'une facette d'une situation complexe dans un monde encore plus complexe !
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