Silence

by - février 27, 2017


SILENCE de Martin Scorsese

A l'heure de l'annonce du partenariat entre Netflix et Scorsese pour la production de son nouveau film. Il est temps de parler du dernier opus de son œuvre silence qu'il a mis vingt ans tourner. Ce film est tiré du livre éponyme de Shusaku Endo. Bizarrement ce film majeur dans sa filmographie, si épuré a fait l'unanimité dans notre maison alors que nous avions tous les deux une vision différente du message religieux que voulait faire passer le réalisateur. Cet écrit encore plus que d'habitude est juste l'expression de mon sentiment.
L'histoire se situe au XVIIeme siècle. Au japon, les jésuites qui évangélisés l’île ne sont plus les bienvenus. Le père Cristovao Ferreira a disparu. Il est un missionnaire de premier ordre. Au détour d'un convoi marchant et maritime une lettre arrive ou il renie Dieu, et son engagement dans les ordres.

Face à ce courrier deux frères qu'il a formé, décident de s'embarquer pour le Japon. Ils ont conscience d’être les derniers missionnaires à y partir, leur but est de trouver le père Ferreira. Mais des qu'ils arrivent, ils se retrouvent face à une population évangélisée en pleine détresse car elle ne peut pas exercer son culte. Ils se mettent à dire des messes, donner des sacrements, et sont vites confrontés à l'inquisition japonaise. Il y a des films qui vous touchent par leur beauté. La beauté sans fioriture de ce film m'a ému. Scorsese pause sa caméra de ne manière à ne laisser de la place qu'à l'histoire. Certaines images sont très légèrement desaturées, d'autres sont très contrastées. Les scènes de nuits sont aux flambeaux. Il n'y a jamais une lumière ou une image qui est facile. La maîtrise du maestro est totale.

Tout est beau et il est bon de se laisser mener par le réalisateur. Et il faut avouer que c'est assez prodigieux, car c'est un film fleuve de 2h40 et une partie est consacrée à regarder appliquer des tortures aussi bien physiques que morales, mais à aucun moment il y a de l’ennui. Il y a une alchimie parfaite entre ce film et son spectateur. Puis il y a cette manière de filmer l’Asie fantasmée de cette époque; ses couleurs ses habits, ses tissus ses habitations. Le pauvre et le riche, celui qui vit dans les petits villages, et ceux qui vivent dans un lieu un peu plus urbain; ce sont des films dans le film. Tout est remis en cause et filmé différemment avec une maîtrise parfaite. J'aime son choix d'acteurs, ils sont tous très bons. Mais le tandem Adam Driver et Andrew Garfield est un pur bonheur. On a l'impression qu'ils sont nés pour avoir ces rôles. Et même si je suis pour plus d'Adam Driver dans ma vie de cinéphile. Je trouve qu'il a un corps pour incarner le frère Francisco Garupe.
Son aspect longiligne, ses cheveux bruns et raides donnent corps à sa vision de la religion. Sa volonté d’être intègre face à ce qu'il a appris. Il y a dans cet homme d'un profond sentiment religieux qui va de paire avec le respect des règles qui lui ont été enseignées; et une volonté d'aider les autres. Il est probablement le personnage le plus attachant de ce film car il est le plus déchiré. Andrew Garfield quant à lui est le frère qui est le plus apte à détacher sa foi des rituels qui accompagnent son culte.

Très rapidement il montre comment il peut passer sur certaines choses, et démontre une aptitude à prioriser des événements même les plus inacceptables à nos yeux. Puis il y a la manière dont il apparaît spécialement en seconde partie du film, avec ses cheveux souple coiffés, ses kimonos. Tout, même dans les pires moments respire en lui, la réflexion,et la force de ses convictions et son adaptabilité. Le sujet du film nous amène aussi à parler de l'inquisition japonaise. Je ne connaissais rien de ça. C'est un peu l'anti thèse de ce qui s'est passé en Europe, avec une seule constante la torture. Le but ici est que les japonnais abjurent la religion catholique et soient tous bouddhistes. On pourrait parler pendant des heures sur le fait que le bouddhisme est la religion pacifique par excellence et que c'est pas compréhensible qu'elle se retrouve au milieu de tout ça. Mais elle apparaît tout autant utilisée que l'est le catholicisme.

L'inquisition ici , permet de poser des question sur la torture. Elle est mise en scène en reprenant l'imagerie de la religion catholique. Et alors qu'en Europe les historiens la décrivent comme plutôt physique, ici quand le but est de faire céder un prêtre la torture est morale, et menée par quelqu'un qui connaît les mécanismes des religieux.
Mais ce film est aussi un questionnement sur la religion, et à bien des égards il ressemble au questionnement d'un croyant sur sa foi et sur l'église. Chaque moment du film semble toucher interroger un thème précis. Que ce soit la place du religieux dans l'institution? qui est le plus important l'individu ou l'institution? Ou encore est ce que dieu est dans l'église ou dans les silences? Ce ne sont que quelques uns des thèmes de réflexion abordés

Ce film m'a fasciné. Mais je suis athée et j'ai une culture catholique de base. J'ai pu avoir la distance parfaite pour l'apprécier. Alors que d'autres personnes, pour différentes raisons y seront insensibles. Mais a minima c'est un très bel objet cinématographique.

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